Ma première voiture, c’était une 4L. Bleue gendarme. Je l’avais héritée de mes grands-parents paternels pour mes 18 ans, après deux ans de conduite accompagnée. J’avais les cheveux en pétard, des pantalons troués, des Docs coquées montantes bordeaux et cette 4L, c’était la liberté. J’en ai fait des kilomètres, fenêtres ouvertes, dans un vacarme à tout rompre, poussant les vitesses au volant à fond sur l’autoroute pour atteindre péniblement 110 km/h. La suivante a été une Renault 5. Bleue elle aussi, puis bleue et verte après une aile enfoncée dans un accident. Son phare droit en était resté bancal et je l’appelais « N’a qu’un oeil ». Elle était foutraque et elle sentait la clope, comme moi. Est-ce que nos voitures nous ressemblent ? Sans doute toujours un peu. Elles sont à la fois une extension de nos vies et une façon de se distinguer des autres. On y projette son caractère, ses envies, ses valeurs, on lui prête des intentions, on dit « elle » pour en parler, et donc, parfois, on l’affuble d’un surnom. C’est pour cette raison que j’aime les photographier. Ces voitures sont pour moi des petits mondes vivants, humains, elles sont des bouts de propriétaire. Elles m’interrogent – Mais qui donc conduit cette petite Panda Verte? Qui a customisé cette Volkswagen Scirocco? -, m’amusent, m’agacent, m’impressionnent ou m’inquiètent, mais toutes, elles me racontent des histoires. Derrière leur carrosserie, elles me laissent imaginer des vies, moi qui, depuis longtemps, ne possède plus de voiture.