C’est sur le bord des routes que se joue la bataille. Ici, un parc « exotique » vante de rassembler en un même endroit un village indien, des dinosaures et des reptiles. Là, tout au bout d’un champ de tournesols perdu dans la campagne, une affiche des Bodin nous oriente vers leur nouveau spectacle. Election de miss Corrèze, Journées médiévales, bar musical, karting, zoo.. Partout où se posent nos yeux, l’industrie du divertissement a une proposition pour nous. Il est très loin le temps où le patronat fustigeait « le droit à la paresse ». En 2024, le temps de loisirs est devenu un marché concurrentiel et très lucratif, un temps de consommation et un temps de diversion, selon l’analyse qu’en donnaient Adorno et Horkheimer dès 1947: « Dans le capitalisme avancé, l’amusement est le prolongement du travail. Il est recherché par celui qui veut échapper au processus du travail automatisé pour être de nouveau en mesure de l’affronter ». Il ne s’agit plus de rien faire, mais de rentabiliser son temps de divertissement. Dans le paysage urbain qui nous entoure fleurissent pancartes et panneaux publicitaires, comme autant de promesses d’activités et d’évasion. « Amusez-vous ! », nous enjoignent-ils. Pendant ce temps-là, nous ne pensons pas.